La religion catholique, première prise de parole politique pour les femmes françaises ?

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Les femmes françaises ont pu voter pour la première fois en 1945. Dans les médias, les visages des militantes manifestant dans les rues, pancartes à la main, sont l’illustration des combats menés pour l’acquisition ce droit. Ces images font également écho aux suffragettes britanniques.

D’autres femmes ont cependant réussi à mener des actions politiques au début du XXe siècle. Leurs profils sont différents et leur histoire méconnue. Certaines femmes appartenant à la bourgeoisie ont pris la parole dans la sphère politique pour la défense de leur religion dans un contexte politique marqué par l’anticléricalisme.

Dans le contexte de l’époque, les femmes sont perçues comme « sensibles », et donc attachées à la spiritualité et au ministère de l’Église. La politique reste une affaire d’hommes. Certaines ont cependant repris cet argument à leur compte pour élargir leur champ d’action.

La naissance des Ligues de femmes

La fin du XIXe et le début du XXe siècle sont marqués par les positions anticléricales. Alors que la religion catholique s’éloigne de la société, les défenseurs de cette tradition s’en inquiètent et prennent position. Parmi eux, des femmes. Celles appartenant aux classes sociales aisées ont la pratique religieuse au cœur de leur quotidien. La vie religieuse définit parfois intégralement leur vie sociale. Elles se rencontrent à l’église, elles sont proches des congrégations religieuses, elles mènent des activités auprès d’œuvres de charité.

La loi du 1ᵉʳ juillet 1901 promulguée par le gouvernement Waldeck-Rousseau place les associations sous autorisation législative. Les congrégations religieuses sont elles aussi soumises à un contrôle du gouvernement. Cette loi est perçue comme une véritable attaque. Les élites appartenant à un catholicisme intransigeant décident de riposter. Les femmes qui les composent entrent dans l’action politique. Alors qu’elles n’ont pas encore le droit de vote, elles décident de s’organiser autrement.

En septembre 1901 à Lyon, un père jésuite nommé Antonin Eymieu a l’idée de créer une ligue. Il invite Jeanne Lestra, une dame appartenant à la bourgeoisie, à en prendre la tête. Jeanne devient la fondatrice de la Ligue des femmes françaises (LFF). Accompagnée de la comtesse Octavie Thomas de Saint-Laurent, elle organise cette Ligue afin de mener à bien des actions visant à influencer les élections législatives qui se dérouleront un an plus tard. Pour cela, elles soutiennent des candidats qu’elles jugent en faveur de leurs revendications religieuses. Les femmes prennent la parole et trouvent des financements. D’abord lyonnaise, la ligue s’exporte rapidement dans toutes les régions de France. Des comités sont créés dans les départements. Le comité parisien décide de soutenir le catholique Jacques Piou, fondateur de l’Action libérale populaire (ALP), sans succès.

Alors que leur religion a été un argument pour ne pas les inclure à la vie politique du pays, celle-ci devient un tremplin pour les premiers pas engagés de certaines femmes.

En 1902, La Ligue patriotique des Françaises (LPF) est créée à Paris à la suite de désaccords entre le comité lyonnais et celui de la capitale. La présidente est la Baronne de Brigode. Le but est le même que la LFF. En effet, les Lyonnaises ont décidé de retirer leur soutien à Jacques Piou alors que les Parisiennes désiraient maintenir leur collaboration avec l’ALP. La LPF crée elle aussi des comités départementaux.

L’ouverture vers les campagnes

Si ces ligues concernent dans un premier temps les élites, elles vont par la suite s’ouvrir à d’autres profils.

En 1909, Mlle d’Héricault est vice-président de la LFF, mais aussi présidente du comité départemental du Pas-de-Calais. Les femmes sont en effet, dès l’origine, à la tête de la hiérarchie des ligues.

Mlle d’Héricault décide de se rendre dans le village de Bucquoy afin d’y mener une conférence. En faisant cela, elle touche un public plus hétérogène, différent des profils habituels. Elle y rencontre des femmes qui travaillent parfois dans les milieux agricoles et ouvriers. Pour elles aussi, bien qu’elles soient en activité, la religion joue un rôle majeur dans leur sociabilité. Sa venue a été un succès. En effet, une section est créée : Mme Couche est nommée chef de section. Une secrétaire, des déléguées du quartier et des zélatrices de l’œuvre sont élues et feront circuler Le Bulletin de la Ligue, des tracts et des convocations. En 1913, la section de Bucquoy compte 300 ligueuses.

Ces centaines de femmes aux caractéristiques différentes mais vivant en milieu rural font alors leurs premiers pas dans le militantisme. Leur modèle à toutes est Jeanne d’Arc. Au XIXe siècle, la Pucelle d’Orléans est devenue une figure politique. Le combat contre les Anglais devient un combat contre la laïcité et l’anticléricalisme. Elle devient un argument pour les défenseurs d’une France à l’identité catholique.

Les ligues iront jusqu’à compter un million d’adhérentes.

Si l’influence des ligues auprès de l’action militante des femmes catholiques est indéniable, il est plus difficile de percevoir l’impact politique qu’elles ont eu auprès du gouvernement de l’époque.

Les ligues s’essoufflent

Leurs actions ont été stoppées par la Première Guerre mondiale. Elles sont néanmoins restées présentes. En 1933, la LFF et la LPF ont fusionné. Elles sont alors devenues la Ligue féminine d’action catholique française.

Si leurs actions politiques ont été précurseurs d’un militantisme religieux au féminin, celles-ci vont peu à peu s’effacer. En effet, la ligue se distinguera au fil des années par des actions sociales et charitables. Cette caractéristique se situe dans leur axe de défense de l’Église catholique, mais vient remplacer les premières armes politiques utilisées en 1901 et 1902.

Aujourd’hui, l’Action catholique des femmes se place dans l’héritage laissé par Jeanne Lestra. La volonté de cette association est d’œuvrer pour le respect de droit des femmes.

Alexia Sebert, Doctorante en histoire et civilisations, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Crédit image : Creative Commons / Wikimedia


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